Chapitre 17

Suivi et analyse des campagnes


Ce chapitre nous permettra de découvrir ce que sont les logiciels d’analyse web et comment les installer, les indicateurs clés et les rapports les plus intéressants et les principes et les techniques de mesure et d’attribution de la conversion (qui consistent à associer chaque vente à la campagne qui en est à l’origine).

1. L’analyse web au service du marketing web

1.1. Historique

L’histoire de l’analyse web commença en 1993 avec la naissance de Webtrends. On mesurait à l’époque ce qui se passait sur les sites web grâce aux historiques (fichiers de log) des serveurs web. L’ensemble des requêtes (aussi appelés « hits ») que les navigateurs des internautes font aux serveurs web pour recevoir le contenu d’un site sont enregistrées dans ces fichiers. À l’époque, Webtrends et les autres outils similaires, les parcouraient pour en faire ressortir le nombre de visites, de pages vues et les pages les plus consultées. Cette technologie n’était pas sans poser problème et devait être dépassée en 1996 par une société nommée WebSideStory. Le principe de mesure qu’elle développa consistait, au moyen d’un petit programme inclus dans toutes les pages du site à mesurer (tracker), de récupérer toutes les informations nécessaires depuis le navigateur des internautes. Cette solution technique a rapidement démontré son efficacité, notamment car elle permettait une mesure plus précise. Pendant les années 2000, elle fût donc adoptée par les plus grands fournisseurs d’outils d’analyse web comme Coremetric ou Omniture. En 2005, Google racheta la société Urchin (qui utilisait aussi cette méthode) et lança peu après son produit vedette, Google Analytics. Ce service, entièrement gratuit, devait rapidement devenir la solution d’analyse web la plus populaire dans le monde.

Remarque D’après une étude88 la part de marché de Google Analytics s’approche les 50%.

1.2. Choisir une solution

La plupart des systèmes d’analyse web que l’on rencontre actuellement sur le marché sont la propriété de grandes entreprises américaines. C’est le cas d’Omniture, et de son produit SiteCatalyst, qui appartiennent à la société Adobe. La société Coremetrics fait quant à elle partie d’IBM. Nedstat appartient à ComScore et Google Analytics, bien évidemment, est dans le giron du géant de la recherche. La société Webtrends, une des pionnières, reste pour l’instant indépendante. C’est aussi le cas du champion hexagonal, AT Internet, qui est notamment l’éditeur de la solution Xiti.


La grande majorité de ces solutions sont fournies en mode SaaS (Software as a Service) ce qui signifie qu’à part le traceur Javascript, vous n’avez aucun logiciel à installer sur vos serveurs. De toutes ces solutions, seule Google Analytics est entièrement gratuite. AT Internet offre également une variante non-payante (Xiti free), mais elle est bridée. Les autres sociétés proposent des offres payantes par abonnement et offrent des services personnalisés (installation, configuration et analyse).


Google Analytics est reconnue comme étant une solution fiable, puissante et ergonomique. Cependant, elle ne propose pas le même degré de contrôle et de service que les offres concurrentes. Les solutions payantes sont livrées avec un SLA (Service Level Agreement) qui garantit une intervention en cas de rupture de service et elles savent s’engager sur la durée de sauvegarde des données. Google ne donne pas de garantie sur le temps pendant lequel vos données seront conservées et ne s’engage pas non plus sur la disponibilité du service.


Le choix d’une solution se fera donc, d’une part, sur le prix et, d’autre part, sur le niveau de garantie requis. Dans la plupart des cas Google Analytics est un bon choix. Cet outil bénéficie d’une bonne documentation, d’une communauté d’utilisateurs importante et les serveurs de Google sont réputés être parmi les plus fiables du monde. Il n’y a pas eu, depuis la sortie de Google Analytics, d’incident notoire ayant conduit à la perte de données. Enfin, des prestataires certifiés par Google (Google Analytics Certified Partners) proposent des services de formation, de configuration et d’aide à l’analyse qui compensent l’absence de support officiel.

2. Fonctionnement des outils d’analyse web

Les outils d’analyse web permettent de mesurer l’audience d’un site. Ils enregistrent l’activité des internautes et la mettent à disposition des webmestres et des marketeurs dans des rapports qui prennent la forme de tableaux et de graphiques. Voici quelques questions auxquelles ces logiciels permettent de répondre : de quelle origine géographique sont les visiteurs ? Comment sont-ils arrivés sur le site ? Quelles sont les pages qui ont été le plus souvent consultées ? Quel chiffre d’affaire a généré le site ? Ils permettent également de croiser les données et d’obtenir des informations encore plus intéressantes comme : quelle source de trafic engendre le plus de chiffre d’affaire ? Quelle page article a été la plus consultée par les internautes en provenance de telle campagne ? Les internautes sous Windows achètent-ils plus que ceux sur Mac ?

Remarque Couvrir entièrement l’utilisation des outils d’analyse nécessiterait un ouvrage entier. Dans ce chapitre, nous nous limiterons aux bases nécessaires pour aborder le chapitre suivant dédié à l’optimisation des campagnes.

2.3. Suivre les indicateurs clés

Une fois les actions des internautes enregistrées, les outils d’analyse web s’efforcent de les traduire en chiffres afin de les rendre intelligibles. Ces indicateurs chiffrés sont nombreux mais ils n’ont pas tous la même importance. Ce sont des quantités, des pourcentages ou le rapport de deux quantités. Ils permettent de comprendre et de quantifier ce qui se passe sur votre site. La WAA (Web Analytics Association) propose de ranger les indicateurs dans quatre catégories distinctes  : audience, performance, conversion et rétention. Nous ne retiendrons, parmi tout ceux proposés dans ces quatre catégories, que les plus intéressants pour le marketing web.

Les indicateurs d’audience

Ces indicateurs permettent de quantifier la présence des internautes sur un site. Les plus importants sont au nombre de trois :

  •  Le nombre de visiteurs : il représente, pour une période donnée, le nombre de personnes qui sont venues sur le site. Cette mesure est faite grâce aux cookies que les traceurs laissent sur les ordinateurs des visiteurs. Si ces petits fichiers texte sont effacés entre deux visites, l’internaute sera considéré comme étant un visiteur supplémentaire.
  •  Le nombre de visites : il correspond au nombre de fois que les internautes sont venus visiter un site. La définition d’une visite varie d’un outil à l’autre. Google Analytics considère qu’après trente minutes d’inactivité, une visite est terminée. Si l’internaute revient à l’issue de cette période, c’est une nouvelle visite qui commence.
  •  Le nombre de pages vues : il comptabilise le nombre de fois que chacune des pages du site ont été consultées.
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Figure 17.2 : Ce graphique représente le nombre de visites et de pages vues sur 30 jours. Notez comme ces deux indicateurs varient ensemble.

Les mots clés

Parmi les supports dont nous avons parlé dans les chapitres précédents, deux dépendent de mots clés : le référencement naturel et le SEM (le marketing des moteurs de recherche). Les outils d’analyse web savent retrouver les mots clés qui sont à l’origine des visites en provenance de ces deux supports et permettent d’analyser leur performance. Les rapports suivants sont les plus intéressants :

  •  La liste des mots clés et la quantité de visites que chacun vous apporte.
  •  Des informations qualitatives comme le nombre moyen de pages vues par visite, le temps moyen passé par visite, le taux de rebond, mais également le taux de conversion et le chiffre d’affaire généré.
  •  Le nombre de mots clés différents qui vous apportent du trafic. Ce nombre révèle la qualité du référencement d’un site sur les termes de la « longue traine », ces expressions clés très précises recherchées par les internautes.
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Figure 17.8 : Ce rapport contient les mots clés qui ont apporté le plus de trafic ainsi que leurs indicateurs de performance dans les colonnes de droite.

Ces rapports vous permettent d’accéder à des informations quantitatives et qualitatives sur vos mots clés. Ils permettent de déterminer quels sont les termes les plus importants et les plus rentables. Ces données sont essentielles pour prendre les bonnes décisions d’optimisation du référencement et du SEM.

Remarque Conseil : tentez d’analyser séparément les expressions clés qui contiennent votre marque (par exemple « monospace Renault ») des autres mots clés (par exemple « monospace pas cher »). Les internautes qui n’utilisent pas votre marque pour vous trouver ont nécessairement des attentes et un comportement différents.

3. Les principes d’une analyse utile

Les outils de mesure d’audience ont l’avantage de donner facilement accès à une multitude d’indicateurs. Cela ne rend malheureusement pas les analyses plus simples. Voici quelques recommandations concrètes pour retirer le maximum de ces indicateurs et faire des analyses pertinentes.

3.2. Mettez du contexte dans vos analyses

La deuxième qualité d’une bonne analyse est le contexte que vous y mettez. À titre d’exemple, « Je vois 2.500 visites cette semaine » ne signifie rien en soi. À l’inverse, « Je vois 2.500 visites cette semaine contre 1.500 la semaine précédente » a déjà plus d’intérêt. Si l’on ajoute : « Je vois notamment une augmentation de 50% de mon trafic direct, ce qui correspond à l’augmentation du trafic total », il est possible d’en déduire beaucoup plus de choses (comme par exemple l’existence d’une campagne hors-ligne ou d’une mention dans la presse).


Le contexte permet d’enrichir les observations et les analyses en les mettant « en situation ». Même si cette recommandation peut paraître évidente, force est de constater que beaucoup ne l’appliquent pas encore ! On entend encore trop d’observations sorties de leur contexte et dont on a bien du mal faire ressortir un enseignement. Voici quelques recommandations pour enrichir vos analyses :

  •  Comparez des périodes de temps : par exemple deux semaines qui se suivent ou le même mois à un an d’intervalle.
  •  Comparez les sources de trafic ou les campagnes.
  •  Comparez le comportement des internautes en fonction de leur origine géographique, de leur langue, de leur navigateur, de s’ils sont nouveaux sur le site ou pas.
  •  Prenez en compte les événements extérieurs : lancement d’une nouvelle opération, de nouveaux produits ou d’une promotion, période de vacances, jours fériés, citations dans la presse.

3.3. Ayez recours à la segmentation

Tout comme l’ajout d’un contexte, la segmentation est essentielle pour une analyse de qualité. Un segment est une catégorie d’internautes qui partagent les mêmes caractéristiques. Libre à vous de définir quels segments vous voulez étudier de plus près. La plupart des outils d’analyse web offrent des segments standards (internautes en provenance de campagnes publicitaires, nouveaux visiteurs), mais l’imagination du marketeur est en réalité la seule limite. Il est par exemple possible de créer des catégories d’internautes sur les critères suivants :

  •  Leur source de trafic,
  •  Leur localisation géographique ou leur langue,
  •  Une ou plusieurs pages qu’ils ont visitée(s),
  •  La page de destination par laquelle ils sont arrivés,
  •  Le fait qu’ils aient (ou pas) atteint un objectif de conversion,
  •  Le nombre de pages qu’ils ont vues lors d’une visite,
  •  Le nombre d’articles qu’ils ont ajoutés à leur panier,
  •  Et plus encore ...

Segmenter c’est donc restreindre les données d’un rapport à un certain groupe d’internautes qui partagent tous quelque chose en commun. Vous pourrez par exemple appliquer le segment « internautes arrivés sur le site par le référencement naturel » au rapport des pages les plus vues : cela vous permettra de comprendre quelles sont les pages que ces visiteurs voient en priorité. Vous pourrez également appliquer le segment « internautes ayant passé au moins une commande » au rapport des pages de destination les plus populaires. Celles qui apparaîtront en premier seront celles qui attirent le plus de visiteurs à même de passer commande.


Il n’existe pas de liste de segments clés à connaître absolument. Cette fonctionnalité permet surtout de vous adapter lors de votre analyse en prenant un point de vue, un angle bien particulier. La nature des segments que vous allez créer dépendra de votre site et du type de problématiques que vous allez rencontrer. Nous verrons dans le chapitre suivant que l’un des grands principes de l’optimisation du marketing web consiste à segmenter les opérations par campagne, par source de trafic, par page de destination, par mot clé ou par bannière pour détecter les segments de campagne les plus performants.

4. Des outils complémentaires

Les outils d’analyse web tels que Google Analytics, SiteCatalyst ou SiteStat offrent déjà de nombreuses fonctionnalités et permettent, au travers de nombreux rapports, de bien comprendre l’audience d’un site et d’en tirer des informations utiles. Cependant, dans leur sillage, d’autres outils plus spécialisés peuvent être mis à profit. Même s’il n’est pas obligatoire de les utiliser (disposer d’un outil d’analyse web traditionnel correctement installé est souvent suffisant), il nous paraît intéressant d’en faire un tour d’horizon.

4.1. Visualiser le comportement des internautes

Des solutions permettent d’aller au delà de ce que proposent les outils d’analyse web traditionnels. Voici quelques exemples.

4.2. Services de mesure d’audience par panel

Les outils de mesure que nous venons de découvrir sont qualifiés de « site centric » : ils sont centrés sur le site car la mesure est faite par un logiciel qui y est installé. Ils ne voient que ce qui se passe sur le site. Parallèlement, il existe des méthodes de mesure que l’on nomme « user centric » : elles sont centrées sur l’utilisateur. Ce sont les méthodes dites « par panel » qui nécessitent d’utiliser les techniques suivantes :

  •  Les interviews téléphoniques au cours desquels on demande aux sondés quels sites ils visitent, ou s’ils visitent un site en particulier.
  •  L’installation d’un logiciel sur l’ordinateur d’internautes témoins qui enregistre les adresses de tous les sites visités.

Cette méthode de mesure n’est pas en concurrence directe avec Google Analytics et ses équivalents. C’est une mesure avant tout complémentaire dont les avantages principaux sont :

  •  Une mesure différente du nombre des internautes qui visitent le site. En effet, l’identification par cookie (comme elle est faite par un outil d’analyse « site centric ») a pour conséquence que les visiteurs d’un site peuvent être comptabilisés plusieurs fois (une seule personne peut accéder au même site au travers de différents navigateurs et de différents terminaux).
  •  Le profil des internautes témoins étant connu (âge, sexe, catégorie socio-professionnelle), ces méthodes permettent de mieux qualifier l’audience d’un site, tâche qui n’est pas à la portée des autres outils.

Ces services sont bien entendu coûteux et seules les entreprises de taille honorable peuvent se les offrir. Il reste toutefois possible de trouver sur le web des solutions gratuites. Suite au rachat de la société Doubleclick, Google a ouvert gratuitement l’accès à l’outil Adplanner91. Il permet, entre autre, de connaître les caractéristiques de l’audience de la plupart des sites. Les informations sont issues de différentes sources : panels, données en provenance de Google Analytics, déclarations des éditeurs de sites eux-mêmes et statistiques en provenance du moteur de recherche.

Remarque L’outil Adplanner est très utile pour mieux connaître l’audience des sites sur lesquels on planifie de diffuser des publicités. Mais c’est aussi une source d’information intéressante pour en savoir plus sur les performances de ses concurrents !

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Figure 17.9 : Voici les renseignements qu’Adplanner fournit sur la plateforme vidéo Dailymotion. Ces données ne sont que des estimations mais restent intéressantes pour jauger l’audience d’un site.

4.3. Des méthodes d’analyse « in vivo »

5. Une discipline clé pour le marketing web

Pour conclure sur ce sujet, précisons qu’il ne faut pas se laisser rebuter par l’apparente complexité des outils que nous venons de décrire. C’est à l’usage que l’on apprend à les connaître et à en retirer les informations qui permettent de suivre et d’optimiser les campagnes. Par ailleurs, vous devrez vous assurer que les mesures sont correctes : rien n’est pire que de prendre des décisions sur des données fausses ou biaisées. Cependant ne cherchez pas l’exactitude non plus. La mesure web n’est pas toujours parfaite et il est courant d’observer des différences de 10 à 15% entre différents outils. Considérez que vous disposez de mesures qui ne représentent pas exactement la réalité mais qui sont suffisamment précises et reproductibles dans le temps pour prendre des décisions.

Démarrage rapide

  • Installer Google Analytics (l’outil est gratuit et correctement documenté).
  • S’assurer qu’il est correctement configuré et qu’il est bien présent sur toutes les pages du site.
  • Créer des objectifs de conversion et vérifier que leur mesure est fonctionnelle.
  • Si le site à mesurer est une boutique en ligne, installer également le traceur spécifique au e-commerce.
  • Prévoir le marquage des URL de campagne et vérifier que les conversions sont correctement attribuées.
  • Se familiariser avec les données récoltées et faire ressortir les grandes tendances concernant notamment les sources de trafic, les contenus consultés et les revenus générés par le site.
Suite :
Optimisation des campagnes